I – LA PREMIERE DISCRIMINATION POUR LES JEUNES EST D’ABORD CELLE QU’ILS S’IMPOSENT A EUX-MEMES
Souvent mal formés, mais surtout mal informés : la première discrimination que connaît un jeune d’origine sociale et/ou territoriale « défavorisée », c’est celle qu’il s’impose à lui-même, naturellement. C’est le phénomène du « ce n’est pas fait pour moi », du « vu d’où je viens, je n’y arriverais jamais ».
Est perceptible, ici, la réelle faillite de notre modèle républicain d’insertion scolaire et universitaire, du fait d’un sentiment malheureusement trop répandu : le manque total de confiance dans l’égal accès pour tous à toutes les études, à toutes les filières. Un jeune « de banlieue » n’a souvent même pas l’idée d’envisager telle formation, ou telle école, « parce que c’est comme ça ».
Les grandes écoles, comme les formations spécialisées et de manière générale, les universités, doivent se démocratiser et se rapprocher de tous les jeunes étudiants.
Elles doivent, surtout, mieux informer, et participer à un effort indispensable d’orientation que nous appelons de nos vœux dès le collège et le lycée.
Ainsi, un des premiers maillons de la discrimination, c’est le manque d’information. Il paraît indispensable de l’accentuer dès la classe de 3ème, en insistant sur deux points :
– Permettre à toutes les catégories de professions d’entrer dans les collèges et les lycées lors de journées dédiées, afin de faire découvrir l’ensemble des formations et des métiers, dans les domaines les plus variés.
– Faire découvrir les formations d’excellence à tous les jeunes, et en particulier à ceux qui en sont le plus éloignés de par leur origine sociale et territoriale, afin de leur montrer que l’accès à ces dernières sont possibles pour tous, à force de travail et de motivation. Les grandes écoles en particulier devraient investir massivement les lycées les plus en difficulté, afin de commencer par diversifier leurs candidats avant même de penser a diversifier leurs élèves par des mesures « correctives » de discrimination positive.( Qui peut nier que les élèves – et déjà les candidat -, des grandes écoles viennent souvent des mêmes lycées, des mêmes classes préparatoires…)
II – AVANT DE PENSER LA DISCRIMINATION POSITIVE, PENSONS LE RENOUVEAU DE L’ECOLE REPUBLICAINE
La discrimination positive est un outil direct et en un sens, « radical ». Mais elle ne peut s’imaginer comme une solution isolée, comme une « baguette magique ». Elle doit ainsi absolument être le vecteur d’une politique globale de rénovation de notre modèle républicain.
En effet, si se pose la question de la nécessité absolue de la discrimination positive pour mettre un terme aux inégalités flagrantes et intolérables en terme d’accès aux études, à l’emploi, et de manière générale à l’excellence, c’est d’abord car le moteur fondamental de l’égalité des chances, l’école, ne remplit plus son rôle de manière équitable sur l’ensemble du territoire de la République.
Il paraît ainsi essentiel de mettre en œuvre ou d’accentuer les mesures suivantes :
– Amplifier les mesures d’incitations en tout genre pour que les meilleurs professeurs aillent dans les endroits les plus difficiles. Il est intolérable que les affectations dans les endroits dits « difficiles » soient vécues par le corps professoral comme une punition ou comme un passage difficile de début de carrière, auquel il faut mettre un terme au plus vite.
– L’accès à l’excellence doit être favorisé pour les zones d’éducation les plus difficiles. Il est intolérable que notre société ait institutionnalisé un modèle où les classes préparatoires sont toutes en centre-ville, et ne recrutent dans leur rangs que les élèves issus des lycées les plus côtés. C’est une des barrières les plus importantes qu’il nous faut aujourd’hui mettre à bas. Devrait être imaginé un plan national de création de classes préparatoires « aidées » dans les quartiers les plus difficiles, faisant appel aux meilleurs professeurs du département concerné. L’égalité des chances commence ici, en donnant réellement à tous la possibilité de passer des concours dans les mêmes conditions. ( et même, de les passer tout cours !)
III – SI ELLE NE DOIT PAS ETRE UN AUTOMATISME ET UNE GENERALITE, LA DISCRIMINATION POSITIVE DOIT ETRE LE FONDEMENT DE LA SOCIETE DE DEMAIN, PLUS JUSTE POUR CEUX QUI ONT MOINS AUJOURD’HUI.
Le constat que nous faisons de notre modèle d’intégration et d’insertion, s’il se veut pessimiste, et pour autant juste et objectif. Les personne se présentant comme contre la discrimination positive en arguant le maintien de notre modèle républicain tel qu’il est ne font que fermer les yeux sur une République qui, depuis bien longtemps, ne s’adresse plus à tous, et est devenue plus élitiste et corporatiste qu’elle ne l’a jamais été.
C’est l’absolu inverse de ce pourquoi a été fait notre modèle Républicain, qui se voulait universel, quel que soit les origines, les religions, les cultures.
Il est donc fondamental de permettre à ceux qui ont moins aujourd’hui, d’avoir plus demain !
L’enjeu n’est pas de les pousser plus haut que les autres, mais de rétablir une égalité des chances réelle, dans une société qui insidieusement pousse vers le bas ceux qui pourtant ont moins de chance que les autres, à la base, de réussite..
Nous souhaitons ainsi :
– Que soient généralisées les mesures de discrimination positive fondées sur des critères sociaux, financiers, et territoriaux dans la majorité des grandes écoles.
– Que ces mêmes mesures soient expérimentées puis mises en œuvre dans les concours de la fonction publique.
– Que soit mis en œuvre un effort sans précédent visant à résoudre les graves problèmes de discrimination à l’embauche, fondement profond des inégalités en France.
– Qu’un audit national soit mis en œuvre, permettant d’estimer de manière concrète l’ampleur à donner à ces mesures de correction, de manière à les quantifier dans le temps.
– Nous souhaitons ainsi que ces mesures soient limitées dans leur quantité et dans le temps : la vocation de la discrimination positive et d’être provisoire et dégressive.
– De même, l’accès au bénéfice de ces mesures devra se faire par l’engagement à un contrat de réussite et de résultat, créant un système de droits nouveaux, mais aussi de devoirs.
Les partis politiques doivent être les moteurs de cette politique, et donner l’exemple.