Parce qu’il sont nommés par les associés dans le but de gérer la société au quotidien et dans celui de la représenter et de l’incarner aux yeux des tiers, les dirigeants sociaux occupent une place particulière dans l’organisation de chaque société. Ils sont non seulement « la bouche, la main et les oreilles » de la société qu’il dirige, c’est-à-dire l’émanation de la personne morale auprès des tiers, mais encore ceux qui assurent l’exercice du pouvoir. Les Code de commerce les investis pour ce faire des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux associés, chargés donc de contrôler l’exercice des prérogatives des dirigeants (par ex art. L. 223-18 C. com. pour le gérant de SARL). Du fait de leur position, les dirigeants risquent de considérer les sociétés comme leur entreprise et ne pas voir par exemple le préjudice qu’une confusion des patrimoines pourrait causer aux associés minoritaires ou aux créanciers sociaux. C’est toute l’ambiguïté qui caractérise le statut des dirigeants sociaux. D’un côté, ils ont été choisis par les associés pour représenter la société. Ils disposent ainsi d’un mandat conformément à la théorie de la représentation et à l’approche contractuelle. Dès lors, s’ils causent un dommage à autrui dans l’accomplissement de leur mission par une faute constitutive d’un délit ou d’un quasi-délit, ils peuvent voir leur responsabilité délictuelle engagée. Mais, d’un autre côté, les dirigeants représentent plus la société que les associés, de sorte qu’ils peuvent être aussi et surtout considérés comme un organe qui incarne la personne morale et qui fait corps avec elle, conformément à une approche plus institutionnelle. Dans cette hypothèse, lorsqu’ils agissent et qu’ils commettent par exemple une faute, leur faute est considérée comme celle de la personne morale elle-même, si bien que la jurisprudence conditionne leur responsabilité personnelle à l’égard des tiers à la preuve d’une faute séparable de leurs fonctions qui leur soit imputable personnellement. Il est donc essentiel de distinguer les pouvoirs des dirigeants dans leurs rapports internes (avec les associés) de leurs pouvoirs dans leurs rapports externes (avec les tiers). En d’autres termes, si la responsabilité des dirigeants sociaux est toujours pour faute, elle oblige à différencier leur responsabilité interne (envers la société et les associés) (I) de leur responsabilité externe (envers les tiers) (II).
I- La dimension contractuelle de la responsabilité des dirigeants sociaux
Dans quels cas les dirigeants engagent-ils leur responsabilité civile envers la société et/ou les associés ? (A) Comment est mise en œuvre cette responsabilité et quelles en sont les conséquences ? (B)
A/ Les conditions de la responsabilité civile interne des dirigeants sociaux
C’est le triptyque classique de la responsabilité civile qui s’applique, à savoir faute, dommage et lien de causalité.
La faute : le législateur vise uniquement 3 comportements (par ex art. L. 223-22 C. com. dans les SARL) : violation des dispositions législatives ou réglementaires applicables à la société en question (par ex, violation d’un texte du C. com. relatif à la présentation des comptes sociaux), violation des statuts (par ex, non-respect d’une limitation statutaire des pouvoirs), faute de gestion (appréhension large de la notion par la jurisprudence, qui inclut même l’imprudence, la négligence voire des manœuvres frauduleuses ; le non-dépôt des comptes, qui est pénalement sanctionné (art. R. 247-3 C. corn.), n’est pas une faute de gestion (ÇA Paris, 6 décembre 2007, JCP E. 2008, 1681).
Le dommage : il est nécessaire de distinguer selon que la faute cause un dommage à la société ou aux associés. La faute peut causer un dommage à la société (par ex, appauvrissement résultant du versement à un tiers de commissions occultes) : les dommages et intérêts obtenus iront dans le patrimoine de la société. La faute peut aussi causer un dommage aux associés, mais il faut que ce dommage soit un préjudice direct et non par ricochet (par ex, un défaut d’information due à l’associé, mais n’est pas un préjudice directement causé à l’associé la diminution de la valeur des titres résultant d’un détournement des fonds sociaux par le gérant).
Le lien de causalité : pour pouvoir engager la responsabilité des dirigeants, le demandeur doit prouver que c’est la faute du dirigeant qui est à l’origine du dommage.
B/ La mise en œuvre de la responsabilité civile interne des dirigeants sociaux
Deux actions possibles : l’action de la société dite l’action sociale, et l’action des associés dite l’action individuelle.
L’action intentée par la société.
La société peut agir contre le dirigeant de deux manières :
par l’intermédiaire de ses dirigeants (nouveau gérant contre l’ancien, par exemple) : l’action ut
universi ; – par l’intermédiaire d’un associé ou d’un groupe d’associés représentant au moins 10% du
capital social (art. R. 223-31 C. com. pour la SARL par ex, à leur frais, en cas de défaillance de
la gérance) : c’est l’action ut singuli.
Si l’action sociale est exercée ut singuli, les dommages et intérêts obtenus iront dans le patrimoine de la société et non celui des associés, car c’est la société qui subit un préjudice.
L’action intentée par les associés.
Les associés peuvent aussi agir pour demander réparation de leur préjudice personnel : il s’agit alors de l’action individuelle. En pareil cas, les dommages et intérêts seront récupérés par les associés eux-mêmes, mais ils doivent prouver un préjudice personnel.
En cas de pluralité de dirigeants, chacun n’est responsable que de ses propres fautes. Cependant, si tous ont contribué au dommage, une condamnation solidaire peut être prononcée, le tribunal déterminant la part contributive de chacun.
La faute du dirigeant (violation des statuts, violation de la loi, faute de gestion) constitue un juste motif de révocation qui est nécessaire dans certaines sociétés (pas dans les SA, révocabilité ad nutuni).
II- La dimension institutionnelle de la responsabilité des dirigeants sociaux
La responsabilité des dirigeants à l’égard des tiers exige une faute séparable (A) dont les applications sont nombreuses (B).
A/ La définition de la faute détachable des fonctions
Depuis les années 1960, aussi bien la chambre sociale, que les chambres civiles et commerciales exigent comme condition de mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants plus généralement une faute séparable ou détachable des fonctions directoriales. Cette condition est fondée sur la théorie de la représentation et sur celle des fautes séparables du service du droit administratif. En effet, le dirigeant est l’organe représentant de la société qu’il dirige si bien que quand il agit es qualités, c’est la société qui agit. Donc, quand il commet une faute, c’est en principe la société qui voit sa responsabilité engagée, sauf si le dirigeant commet une faute séparable de ses fonctions. Il a fallu attendre l’arrêt « Seusse » de la chambre commerciale de la Cour de cassation pour avoir une définition de cette notion.
Cass. com., 20 mai 2003, donne la définition : commettre intentionnellement une faute, d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales. Trois conditions cumulatives qui empruntent la définition de la faute intentionnelle en droit pénal (Cass. crim.} 20 mai 2003) et qui ne sont pas non plus sans rappeler la faute dolosive ou la faute lourde permettant de faire tomber, en droit des contrats, les clauses limitatives ou élusives de responsabilité (jurisprudence « Chronopost », abandonnée aujourd’hui au profit de la jurisprudence « Faurecia »).
B/ Les applications de la faute détachable des fonctions
Avant l’arrêt «Seusse», seulement les fautes ayant une coloration pénale (par ex. Mitterrand 1999 : complicité de violation du secret médical).
affaire
Depuis l’arrêt « Seusse », des décisions ont donné des illustrations de cette faute.
Ex : participation à un acte constitutif de contrefaçon soit de manière active et personnelle (Cass.
com,, 7 juillet 2004), soit de manière délibérée et persistante (Cass. com., 25 janvier 2005}.
Ex : action en dehors de la qualité de gérant (Cass. com., 8 fév. 2005), refus réitéré de payer les
droits à la SACEM pour un dirigeant d’une société exploitant une discothèque.
Ex : Com., 4 juillet 2006 : En retenant que le gérant d’une société, désigné sans référence à son
mandat social dans le contrat d’assurance d’un véhicule de la société impliqué dans un accident de
la circulation alors qu’il était conduit par un salarié de la société, s’était délibérément abstenu de
payer la prime d’assurance, et que malgré plusieurs relances de la compagnie d’assurance et la
résiliation du contrat il avait permis au salarié d’utiliser le véhicule dépourvu d’assurance sans l’en
informer, une cour d’appel caractérise suffisamment une faute intentionnelle de ce gérant, d’une
particulière gravité, incompatible avec l’exercice des fonctions sociales de dirigeant.
Mais certains arrêts ont refusé de retenir cette faute lorsque le gérant a laissé l’un des associés engager la société pour la construction d’une maison individuelle par l’acceptation d’un simple devis et non pas en proposant un contrat au formalisme réglementé qu’il privait des garanties instaurées par la loi (Cass. com., 27 septembre 2005) ou l’abstention du gérant d’une SCI de souscrire les assurances obligatoires de dommages et de responsabilité, fût-elle constitutive d’un délit réprimé par le Code de la construction et de l’habitation (Cass. 3e civ., 4janv. 2006).
Récemment, Com., 6 novembre 2007 : prélèvement par anticipation sur les bénéfices qui plus est d’un montant excessif alors que le gérant savait qu’un litige allait avoir lieu (Contra ÇA Aix-en-Provence, 25 septembre 2007 : ne pas provisionner des sommes dues à un tiers n’est qu’une faute de gestion ; le tiers n’est donc pas fondée à engager la responsabilité personnelle du dirigeant du fait de l’absence de provisions).
Cass. com., 26 février 2008 : « que la cour d’appel, relevant que M. X… avait, en qualité de gérant, signé trois contrats de sous-licence, alors qu’il savait que les brevets correspondants, pour lesquels il avait personnellement déposé une demande en son nom, n’avaient été, ni délivrés, ni publiés, a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux dernières branches du moyen, pu en déduire qu’il avait engagé sa responsabilité personnelle ».
Le tiers doit également prouver un préjudice personnel et un lien de causalité entre la faute et le
dommage.
Cette théorie de la faute détachable des fonctions est très importante. Elle a pour but d’éviter la
mise enjeu systématique, voire abusive, de la responsabilité des dirigeants sociaux.
Mais, aussi importante soit-elle, non seulement elle reste liée à la personnalité morale, de sorte par exemple que faute de personnalité morale, la société en participation ne peut offrir cette protection à son gérant (Com., 6 mai 2008), mais encore elle reste limitée à la responsabilité civile du dirigeant et à l’hypothèse d’une société in bonis.
Ainsi, les dirigeants sociaux peuvent aussi engager leur responsabilité pénale pour deux types
d’infraction :
soit pour des infractions personnelles dans le cadre de la vie de la société, par ex ABS
soit en qualité de chef d’entreprise pour des infractions dans le domaine de vie sociale et
économique de la société, par ex infraction à la réglementation du travail, de la sécurité sociale,
à la réglementation des prix, infractions à la consommation, etc. En tant que chef d’entreprise, il
peut même engager sa responsabilité pénale du fait de la faute commise par un employé, sauf
s’il prouve la délégation de pouvoirs et sous réserve de la responsabilité pénale des personnes
morales.
Lorsque la société est en procédure collective, le dirigeant peut par exemple être condamné à devoir contribuer à combler le passif social, du moins s’il a commis une faute de gestion à l’origine de l’insuffisance d’actif litigieuse (art. L. 651-2 C. com.), à l’obligation aux dettes sociales (art. L. 652-1 C. com.) ou pour banqueroute (art. L. 654-2 C. com.).
Enfin, toutes ces règles de responsabilité (civile et pénale) concernent tant les dirigeants de droit que les dirigeants de fait.
cela fait 10 ant que le gerant ne ma pas donner de compte et j ai 40pour cent des part dans cette asrl que d oije faire