Le droit de vote des associés

Les statuts fixent la répartition du droit de vote des associés, dans les SA la répartition se fait de la façon suivante :
– Usufruitier AGO
– Nu propriétaire AGE

REGLE : attribution statutaire : elle précisera celui qui votera, plus précisément, le nu votera pour les décisions financières et l’usufruitier pour le reste.
DEROGATION A LA REGLE : Le seul acte qui peut déroger à la règle est les statuts puisque c’est eux qui vont prévoir la répartition du droit de vote. Il faudra donc passer par une modification statutaire. Il s’agit alors d’une règle dérogatoire au principe.
Les statuts peuvent donc prévoir une répartition dérogatoire. Dans ce cas, les statuts attribuent un droit, et seul le titulaire de ce droit participera aux AG (O ou E)

Attention : il est possible de passer des conventions entre associés si les statuts le prévoient. Le contrat est dans la limite de l’intérêt social. Aussi, rien n’empêche le nu propriétaire et l’usufruitier de se consulter, l’un peut s’engager envers l’autre à lui demander son avis, il s’agit là d’une convention de droit privé. Si ce contrat est conforme à l’intérêt social (limité dans la durée, ne faisant pas disparaitre le droit de vote définitivement, par exemple « je m’engage à voter toujours de la même façon », dans ce cas, la convention serait contraire à la société.)

La question est de savoir qui est l’associé ?

Sur cette question, la doctrine et la jurisprudence se sont exprimées.
En réalité, ne serait-ce pas le nu-propriétaire qui aurait intérêt de la société et affectio societatis ?
La chambre civile, dans un arrêt de 2006 décide que l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé, toutefois, cet arrêt ne répondait pas à la question de savoir qui avait la qualité d’associé.

Comparaison droit commercial/ droit des biens : Le professeur pense c’est un faux problème puisque, en droit des biens, l’usufruitier est traité comme le propriétaire pendant la durée de l’usufruit. Lorsqu’il s’agit d’exercer son usufruit, il pourrait bénéficier de l’ensemble des droits qui seraient liés à la qualité de l’associé.
Cette analyse est en partie la réponse de la Cour de Cassation, car certes elle ne dit pas que le nu-propriétaire a la qualité de l’associé, mais elle ne se prononce pas non plus sur l’usufruitier
Par ailleurs, en droit des biens, le nu-propriétaire peut bénéficier du bien et est traité à égal de l’usufruitier, ne serait-ce pas pareil en droit commercial ?

Décision TA Nanterre 2 décembre 2008, un actionnaire attaque des dirigeants sociaux par voie ut singuli en responsabilité personnelle pour demander de rembourser à la société 7 millions d’euros (qui ont été donné à un dirigeant sortant comme indemnité).L’usufruitier peut-il mettre en œuvre cette action ? S’il a la qualité d’associé oui, sinon on ne sait pas ; alors que l’indivisaire a la possibilité de demander une expertise de gestion.
Le problème de la qualité d’associé a donc des conséquences sur des questions périphériques au problème initial
Par le régime du droit des biens, on peut expliquer la cohérence des différents sujets problématiques.

La question est de savoir si et dans quelle mesure on va pouvoir déroger aux règles de l’article 1844 du code civil (et de fait l’article L 235-1 pour les SA ou SCA)

Article 1844 C. civ : « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.
Les copropriétaires d’une part indivise sont représentés par un mandataire unique, choisi parmi les indivisaires ou en dehors d’eux. En cas de désaccord, le mandataire sera désigné en justice à la demande du plus diligent.
Si une part est grevée d’usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier.
Les statuts peuvent déroger aux dispositions de deux alinéas qui précèdent. »
Par rapport au droit des biens, l’usufruitier a l’usus et le fructus (fruit)
Les dividendes sont des fruits, mais pas les bénéfices !

– A lire absolument Arrêt de CAEN du 19 février 2008.

– Arrêt du 23 octobre 2007 :

On confie à la assemblée générale un droit d’exclusion (cette clause est tout à fait valable dans les SAS).
La personne objet de la mesure d’exclusion ne pourra pas voter (car la société en a décidé). Le problème est que cette personne plaide le non respect de l’article 1844 cc car aucun texte ne peut celui lui le priver de son droit de vote. Or aux termes de l’article 1844 al 1 « emporte le droit de voter ».
La Cour affirme 1844 al 1 du code civil et 1827-16 du code de commerce (qui prévoit la possibilité de céder ses actions, donc la clause d’exclusion) qu’il est possible de participer aux décisions collectives (comme le dit 1844) ET de voter (expression de la participation collective selon la Cour de Cassation), et que les statuts ne peuvent déroger à cette disposition que dans les cas prévus par la loi.
Les statuts ne peuvent pas déroger au droit de vote, sauf quand la loi le permet
Le droit de vote est un droit essentiel d’ordre public, ce droit peut ne plus être respecté quand a loi le permet, en SAS les statuts peuvent fixer les conditions d’exclusion mais ne précisent que j’ai le droit d’exclure un associé du droit de vote, dans ces conditions, il faudra rédiger les statuts dans le respect des droits des associés.

L’article L 218-11 et suivant du code de commerce permet dans les SAS des actions qui sont dépourvues de droit de vote. Cette possibilité ne concerne pas la suppression de participer aux délibérations mais seulement le droit de vote.

La loi peut prévoir à titre de sanction, la suspension du droit de vote

Si l’on revient a l’usufruit, nous sommes dans le cas ou légalement, il est possible de répartir le droit de vote sur la tête des personnes titulaires du droit démembré.
Ce que la loi vise ici (dans la répartition), ce n’est que le droit de vote. La répartition visée à l’article 1844 al 4 ne concerne pas le droit de participer aux décisions collectives mais le seul droit de vote.
En réalité, le droit de vote est l’une des expressions du droit de participation et n’épuise pas le droit de participation (droit d’être convoqué, droit d’obtenir les informations, droit d’être présent et s’exprimer). Au-delà de ces trois droits, ca devrait être la possibilité d’inscrire à l’ordre du jour une question ou de convoquer une AG ou provoquer sa réunion.

Donc le démembrement ne concerne que le droit de vote.
En toute hypothèse, le nu propriétaire a donc nécessairement le droit de participer aux décisions collectives telles qu’on l’a définit. Notons que nous parlons que du nu propriétaire (car la position de l’usufruitier est ? comme nous l’avons vu plus haut, il doit surement avoir les mêmes droits que le nu-propriétaire)

– On a purgé le droit de vote
– On a purgé le droit de participation
– Revenons sur la répartition du droit de vote

Comment se répartit le droit de vote ?

– Arrêt 31 mars 2004

La Cour de Cassation considère la clause litigieuse (offrant au nu propriétaire 100% du droit de vote).
S’attache normalement à l’usufruit des prérogatives essentielles.
La Cour de Cassation considère qu’il n’est pas possible statutairement d’opérer une répartition du droit de vote entre usufruitier et nu propriétaire tel que l’usufruitier ne soit pas en droit de voter les décisions concernant les bénéfices.
Cette décision nous dit que :
– 578 du code civil définit l’usufruit
– On a ensuite en droit des sociétés un texte qui prévoit le droit de vote.
Ce texte vient nous dire que l’usufruitier a le droit de vote pour les bénéfices, mais les statuts ont le droit de déroger au principe. Si cette dérogation est possible, elle s’applique aux trois premiers alinéas de l’article 1844
La seule chose dont on est sur est que l’usufruitier a le droit au dividende.
Si l’usufruitier n’a pas son droit de vote, il ne peut voter les dividendes. Il s’agit en réalité d’un faux débat car s’il n’avait pas le droit de vote, les dividendes n’existeraient pas puisque c’est le droit de vote qui les fait naitre !!

En réalité, on va donner le droit de vote a l’usufruitier car on sait que l’usufruitier a droit au fructus, de fait, le droit de vote fait naitre les dividendes, donc il se voit attribuer ce droit de vote pour ce cas.
Le nu propriétaire ne peut avoir tous les pouvoirs et avoir le droit de vote entièrement, cependant l’usufruitier le peut.

– En 2005

On nous dit qu’il n’y a pas de domaine réservé au nu propriétaire, il n’y aurait pas un droit de vote suffisamment particulier accordé au nu propriétaire parce que son exercice remettrait en cause la substance de la chose. (Actif social ? société ?)

– Arrêt du 19 février 2008

L’usufruitier dispose de la substance de la chose car il vote la fusion d’une société !
Par le jeu de la fusion, la chose objet du démembrement disparait, par conséquent, on attend bien les droits du nu- propriétaire et au-delà on dispose de cette chose
La CA a annulé la fusion car l’usufruitier, en votant, a porté une atteinte au droit du nu propriétaire, plus précisément qu’il y a eu un abus de la part de l’usufruitier (ce qui ne veut pas dire que l’on ne peut pas posséder 100% du droit de vote, la Cour de Cassation contourne le problème) et se rapproche de sa décision initiale de 2004
Normalement, l’abus est le fait de s’avantager contre l’intérêt de la société, en réalité la Haute Cour dénature le droit de vote.
Un mandataire ad hoc pourrait être nommé pour ne pas que soit porté atteinte au droit de vote.

– Arrêt Ch. Civ. CCASS 2 décembre 2008 vient casser l’arrêt de CA de CAEN

(L’usufruitier avait voté une décision de fusion, et la CA avait considéré qu’il y avait abus de droit, la fusion ayant été annulée)
Les juges avaient considéré que du fait de l’atteinte à la substance des droits que pouvaient avoir l’usufruitier, la CCass a cassé cet arrêt de la CA.
La CCass a considéré qu’il n’y avait pas d’abus de droit (user d’un droit dans l’intention du nuire), l’existence de la prérogative reconnue doit être utilisée dans la finalité de cette prérogative, de fait, on ne peu faire n’importe quoi avec son droit.

Concernant le droit de vote, certains ne parlent plus de droits mais de pouvoir.
Droit ici finalisé car le droit de vote est conféré aux associés pour permettre aux associés de jouer leur rôle d’organe. Dans le cadre de l’organisation de la société, les parties peuvent admettre que dans le cadre du pacte fondamental, les décisions vont être prises par un ou plusieurs organes. Ces décisions sont prises par l’expression du groupe majoritaire, elles font la décision de la société.
En l’occurrence, lorsque ‘associé a voté la fusion, ce n’est pas lui qui va fusionner mais la société. Les personnes qui votent forment un organe et ne sont plus considérées comme individuelles, ce qui permet un fonctionnement harmonieux, conforme à l’intérêt de la société.

Validité des décisions votées par l’usufruitier si elles ne sont pas contraires à l’intérêt de la société

Si la décision n’est pas contraire à la société, la décision est conforme à l’intérêt de la structure. Structure dont la volonté ne peut être a priori remise en cause car elle n’est pas contraire à l’intérêt de a société assimilable au comportement du bon père de famille ». Or le fondement de l’être moral repose sur ce principe majoritaire

Si la contrariété existe mais vis-à-vis du simple nu propriétaire (intérêt propre du nu propriétaire, car la structure va s’agrandir, par ailleurs, les titres de la société absorbante viendront en remplacement des titres précédents : ici il y a surement atteinte à l’objet initial, droit des biens), il n’y a pas d’abus puisque ce dernier y a intérêt.

Peut-on considérer qu’en raison de la non contrariété à l’intérêt de la société et même s’il y a atteinte au droit des biens, le nu propriétaire subit-il un abus ? NON, la violation du droit des biens ne constitue pas un abus de droit de vote

EN FAIT, LA CCASS NOUS DIT QUE PEUT ETRE QUE L’USUFRUITIER ABUSE DE SA PREROGATIVE D’USUFRUIT, MAIS CE VOTE N’EST PAS CONTRAIRE A L’INTERET SOCIAL DE LA SOCIETE (MEME DU FAIT DE L’ABUS DE DROIT NAISSANT DU DROIT DES BIENS)
Comme il y a subrogation des titres, l’usufruit existe toujours.

Le problème posé dans l’espèce est que le nu propriétaire était majoritaire en part et du fait de la fusion, il devient minoritaire. D’un point de vue politique, il n’était pas du tout intéressé par la fusion même s’il n’y avait pas de contrariété à l’intérêt social.

Il faut donc :
– Préserver la substance
– Pas de contrariété à l’intérêt de la société et pas de vote dans un but égoïste

NB : dans le cas d’espèce, dans tous les cas, le nu propriétaire n’aurait pas pu refuser de fusionner car il aurait commis un abus de minorité car il aurait voté contre dans son propre intérêt.

Attention, certes il n’y a pas abus du droit de vote, mais en droit des biens l’usufruitier a violé ses prérogatives (en les dépassant). Certainement ici, le nu-propriétaire pourra obtenir en droit des biens de la déchéance de l’usufruit
Il n’y a pas de préférence entre les deux ordres, c’est juste qu’ils ne se croisent pas.

– Problème non résolu CA 16 octobre 2007 (nature de la somme mise en réserve)

Sur la question de mise en réserve et donation.
Lorsque la personne concernée ne demande pas distribution des dividendes (mise en réserve systématique). Qui récupère les sommes à sa mort ?
La question pour le fisc est de dire que s’il y a mise en réserve systématique, constitue une donation. Il refuse un revenu au profit d’un tiers. La donation est irrévocable, donc l’appauvrissement est définitif.
Ici, il n’y a pas de caractère irrévocable ou irrémédiable car l’usufruitier peut récupérer les sommes.

Dans le cas ou le nu propriétaire mourrait, l’usufruitier pourrait récupérer les sommes et il pourrait s’agir d’un quasi usufruit.
En réalité, au décès, les sommes appartiennent à la structure, par conséquent, l’usufruitier possède des actions et la valeur qu’elles ont. Le fait de laisser les sommes en réserve augmente la valeur de ses actions.

– Soit la décision de l’assemblée fait perdre la nature de capital et de fait les sommes deviennent des fruits, l’usufruitier récupère ces dernières
– Soit les sommes sont conservées et demeurent des sommes distribuables qui participent à la valeur de la part, dans ce cas, il s’agit d’un quasi usufruit.

Il faudrait prévoir dans les statuts la possibilité de voter la réserve au profit de l’usufruitier (e fait il faut préciser la réserve car le quasi usufruit n’entraine pas les fruits)

1 réflexion sur “Le droit de vote des associés”

  1. quel est le régime juridique des conventions de vote dans la société anonyme en droit tunisien?

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