La réforme des libéralités, qui laisse debout beaucoup de dispositions du code de 1804, s’ordonne autour de trois idées : clarifier, sécuriser et libéraliser leur régime juridique. La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 rénove en profondeur le droit patrimonial de la famille. Formant le second volet de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, elle ne limite pas son champ d’action au droit des successions. Comme c’est aujourd’hui habituel, le législateur a saisi l’occasion de la réforme pour modifier des dispositions du code civil qui ne relèvent pas du droit successoral. La loi du 23 juin 2006 irrigue le droit des régimes matrimoniaux ainsi que le pacte civil de solidarité qu’elle dote d’un véritable statut personnel et patrimonial. Mais l’une des innovations majeures de la loi nouvelle réside, sans conteste, dans la modernisation du droit des libéralités. Cette dernière constitue, comme l’indique d’ailleurs l’intitulé de la loi, le second pilier de la réforme. Et de fait, celle-ci réécrit, en les rénovant de manière substantielle, les deux premiers titres du livre III du code civil, désormais respectivement intitulés « Des successions » et « Des libéralités ».
Les règles du code civil, pour l’essentiel inchangées depuis 1804, souffraient d’un flagrant décalage avec les aspirations de la société contemporaine. S’inspirant de l’Offre de loi du Doyen Carbonnier et de MM. Catala, de Saint Affrique et Morin, ainsi que des voeux du notariat, la loi du 23 juin 2006 met un terme à ce décalage. Le rajeunissement du droit des libéralités passe par un repli spectaculaire de l’ordre public successoral. Les frontières de la réserve et de la quotité disponible s’assouplissent, sous l’effet conjugué de la consécration du pacte de renonciation anticipée à l’action en réduction et de la donation-partage transgénérationnelle. Mais ces instruments ne sont pas – loin s’en faut – les seules traductions du reflux de l’ordre public successoral. Celui-ci se manifeste également dans le domaine des libéralités successives. La loi du 23 juin 2006 réanime, sous la terminologie de « libéralités graduelles », les anciennes substitutions fidéicommissaires. Si le principe de leur prohibition est certes maintenu, il est quasiment vidé de sa substance par la reconnaissance de ces libéralités. D’une façon moins novatrice, la réforme intègre au sein du code civil le mécanisme des libéralités résiduelles que la jurisprudence avait depuis longtemps consacré via le legs de residuo.
La clarification du droit des libéralités se vérifie à la consécration de solutions jurisprudentielles difficilement acquises ou encore incertaines, et à l’entrée au code civil de libéralités naguère innommées. D’une part, il est confirmé que le rapport est dû des donations de fruits et de revenus (art. 851 mod.) et que la donation-partage conjonctive est permise entre enfants de lits différents pourvu que les enfants non communs n’y soient allotis qu’en biens appartenant à leur auteur (art. 1076-1 nouv.). D’autre part, le legs de residuo se trouve doté, en même temps que la donation de residuo, d’un corps de règles rassemblées dans un paragraphe intitulé Des libéralités résiduelles (art. 1057 s. nouv.). De cette entreprise de clarification, on rapprochera le nettoyage ou le rajeunissement des règles relatives aux testaments privilégiés fart. 981 s. nouv.).
I – La libéralisation des gratifications familiales
La libéralisation du droit des libéralités se constate, d’abord et surtout, du côté du disposant, à l’accroissement du droit de disposer à titre gratuit. Ce surplus de liberté revêt deux aspects, l’un quantitatif, l’autre qualitatif :
– d’une part, la suppression de la réserve des ascendants – quoique tempérée par l’instauration (ou la résurrection…) d’un droit de retour légal, bizarrement aménagé, des père et mère donateurs (art. 738-2 nouv.) – emporte mécaniquement une augmentation du droit de disposer à titre gratuit, sauf la réserve du conjoint survivant (art. 914-1).
– d’autre part, certaines libéralités jusque-là interdites sont désormais permises : les substitutions, hier prohibées ailleurs qu’en lignes descendante et collatérale privilégiée, sont toutes permises sous le nom de libéralités graduelles (art. 1048 s. nouv.) ; les donations-partages et testaments-partages, qui peuvent avoir une dimension libérale dans la mesure où les lots ne sont pas nécessairement égaux, sont à présent autorisés entre héritiers quels qu’ils soient, et non plus seulement entre descendants ; une donation-partage faite par un ascendant peut allotir des descendants plus éloignés que ses présomptifs héritiers et devenir ainsi transgénérationnelle (infra) ; et puis, mais c’est une chose bien singulière, le testament, que l’on croyait rebelle à toute assistance, est désormais permis au majeur en tutelle autorisé par le conseil de famille, et assisté de son tuteur (art. 504 nouv.).
La libéralisation du droit des libéralités revêt un aspect plus discret, du côté du gratifié, avec la faculté désormais reconnue au conjoint survivant (art. 1094-1, al. 2, nouv.) et au légataire (art. 1002-1 nouv.) de cantonner leur émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en leur faveur… et ce malgré le maintien du principe de l’indivisibilité de l’option (art. 769, al. 1er, nouv.).
La réserve héréditaire, avec la généralisation de la réduction en valeur, fléchit fortement. Désormais un père pourra léguer tous ses biens, y compris les biens de famille, à un étranger, personne physique ou personne morale : ses enfants, qui ne pourront que réclamer de l’argent au gratifié, devront délaisser le bien. Ainsi monétarisée, fongibilisée, la réserve devient, dans son principe même, plus difficile à défendre : une chose est la conservation des biens dans les familles, autre chose est la conservation de la fortune ; les choses, maisons, tableaux ou entreprises ont une dimension humaine que n’ont ni l’or ni l’argent ; le combat pour conserver un bien où la famille s’enracine a une autre allure que la réclamation d’un chèque.
Mais c’est surtout la prohibition des pactes sur succession future qui connaît un singulier recul. Deux des mesures phares de la réforme y dérogent en effet : d’abord, la validation de la renonciation anticipée à demander la réduction des libéralités, qui fait que la réserve n’est plus un obstacle aux pactes de famille ; ensuite, la consécration de la donation-partage transgénérationnelle, qui repose sur le consentement d’un enfant à ce que ses propres enfants soient allotis en son lieu et place dans le partage anticipé auquel procède son père ou sa mère.
Encore ces innovations sont-elles assorties de contrepoids, un peu comme si le législateur, après avoir résolu de déroger à un principe traditionnel de notre droit successoral, s’effrayait aussitôt de son audace. Serait-ce le principe de précaution appliqué à l’art législatif ? Ainsi, la réserve des ascendants une fois abrogée, est ressuscitée au bénéfice des père et mère un droit de retour légal qui semblerait d’ordre public : c’est qu’on ne veut pas que les père et mère voient passer entre les mains de l’étranger légataire universel tout ce qu’ils ont jadis donné à leur enfant… De même, le principe de la réduction en valeur une fois posé, le réservataire n’en conserve pas moins, au cas d’insolvabilité du donataire, son droit de poursuivre le bien entre les mains du tiers acquéreur (art. 924-4 nouv.) – ce qui suggère qu’il est titulaire de ce droit de suite auquel on reconnaît le droit réel : c’est qu’on frémit à l’idée d’un réservataire réduit à la situation précaire d’un créancier chirographaire de somme d’argent… Enfin, la validité de la renonciation anticipée à l’action en réduction pour atteinte à la réserve une fois affirmée, des causes de révocation sont aussitôt prévues, parmi lesquelles l’état de besoin du renonçant à la date de l’ouverture de la succession (art, 930-3 nouv.) : c’est qu’on redoute que le pacte désormais autorisé conduise au résultat que sa prohibition visait précisément à éviter…
Enfin, l’impératif de sécurité a conduit à modifier sensiblement le régime des restitutions. S’agissant des causes de restitution, la loi n’en supprime pas (ce que fit la loi du 26 mai 2004 en abrogeant la libre révocabilité des donations de biens présents entre époux : art. 1096 mod.), mais elle assouplit la plus dangereuse : la révocation pour survenance d’enfants. Naguère redoutée parce qu’automatique et irréversible, cette révocation devient doublement facultative – puisque subordonnée à la stipulation d’une clause qui la prévoit et à une demande formée le moment venu – et sujette à renonciation (art. 960 et s. nouv.).
S’agissant des modalités de restitution et de l’action en restitution, la réduction pour atteinte à la réserve perd de sa rigueur :
– La réduction ne se fait plus qu’en valeur, quelles que soient la nature de la libéralité (donation ou legs) et la personne du gratifié (successible ou pas) (art. 924 nouv.).
~ Les héritiers réservataires peuvent renoncer à demander la réduction dès avant l’ouverture de la succession : jadis, tant que la succession n’était pas ouverte, ils ne pouvaient renoncer à poursuivre la réduction que contre !e tiers acquéreur du bien donné, dans les termes de l’article 930 ; désormais, ils
peuvent aussi y renoncer purement et simplement, aux conditions de fond, assez libérales, et de forme, très strictes, des nouveaux articles 929 et suivants.
– Le délai de prescription de leur action est sérieusement abrégé : auparavant, ils pouvaient agir pendant trente ans à compter de l’ouverture de la succession ; désormais, ils le peuvent toujours dans les cinq années du décès, ils ne le peuvent jamais après dix années, et ils ne le peuvent de la cinquième à la dixième année que s’ils justifient n’avoir eu « connaissance de l’atteinte portée à leur réserve » que dans les deux années précédant leur demande (art. 921 mod.).
II – La consolidation des liens familiaux
La donation-partage et le testament-partage connaissent, plus qu’une évolution, une double révolution.
D’une part, ils cessent de n’être permis qu’à un ascendant. Tout un chacun peut y procéder au bénéfice de ses présomptifs héritiers, quels qu’ils soient : descendants et conjoint ; frères et soeurs ; ascendants ; père, mère et conjoint ; cousins, oncles et tantes. D’où le nouvel intitulé du chapitre qui leur est consacré : « Des libéralités-partages », et non plus « Des partages faits par les ascendants ». Ainsi, le testament-partage permet désormais à chacun d’imposer pour l’heure de sa mort le partage qui lui convient : ses héritiers n’auront d’autre choix que de l’accepter ou de renoncer à la succession. Quant à la donation-partage, elle permet un partage anticipé où chacun reçoit une avance sur part successorale qui n’est pas rapportable et qui sera, le cas échéant, évaluée à la date de la libéralité, et non du décès, pour le calcul de la réserve si les conditions de l’article 1078 sont réunies. De cette ouverture, l’institution sort transformée : elle était un acte de magistrature domestique, la voilà devenue un acte de gestion patrimoniale ; elle exprimait l’autorité d’un père de famille habile à départager ses enfants, elle exprime à présent l’autorité d’un propriétaire maître du partage de ses biens entre ses héritiers. L’élargissement de son domaine s’accompagne d’une modification de son fondement.
D’autre part, un ascendant peut désormais faire le partage anticipé de ses biens entre des descendants plus éloignés que ses présomptifs héritiers : entre ses petits-enfants plutôt qu’entre ses enfants. Encore faut-il que ses présomptifs héritiers consentent à ce saut de génération : nouveau pacte sur succession future permis (supra). Le propre de cette donation-partage transgénérationnelle, c’est que les petits-enfants sont gratifiés par leur aïeul, non pas comme des tiers par voie de donations ordinaires (ce qu’ils ont toujours pu être), mais au lieu et place de leur auteur dans un partage successoral anticipé : lors du règlement de la succession de l’ascendant donateur, leurs lots s’imputeront donc sur la part de réserve de leur auteur et seront, le cas échéant, évalués selon la règle de l’article 1078. Certains y trouveront le moyen de transmettre à la seconde génération ce dont la première n’a plus besoin. D’autres y chercheront la jubilation de l’économie fiscale : les biens que le petit-fils- recueille directement de son grand-père ne sont taxés qu’une fois, au lieu de l’être deux fois s’ils transitent par le patrimoine du fils.
Deux observations complémentaires :
La première est que, le parti une fois pris d’élargir le dornaine de la donation-partage et du testament-partage à toute succession, il eût été concevable d’admettre que des tiers pussent être appelés à la libéralité-partage (alors qu’ils ne peuvent l’être, aujourd’hui encore, que pour y être allotis d’une entreprise) : l’autorité du propriétaire, à la différence de celle du père de famille, peut s’exercer à l’égard de tous…
La seconde est que l’admission de la donation-partage transgénérationnelle est encadrée par un ensemble de règles liquidatives apparemment complexes mais réellement opportunes, desquelles il résulte, en gros, que dans le règlement de la succession de l’ascendant donateur, tout se passe comme si l’enfant qui s’est effacé avait été lui-même alloti des biens donnés à ses propres enfants ; et que, dans le règlement de la succession de ce même enfant, tout se passe comme si ses enfants avaient reçu de lui les biens qu’ils tiennent de leur aïeul (art. 1078-8 à 1078-10 nouv.}- D’un certain point de vue donc, celui des liquidations successorales, une double transmission réapparaît. Il n’y a pas à s’en étonner, car, d’une certaine manière, la donation-partage transgénérationnelle repose sur une double intention libérale envers les petits-enfants : sur celle de l’ascendant qui dispose et sur celle de l’enfant qui s’efface.
Le droit des successions est le reflet d’une certaine conception de la famille, du patrimoine et de la condition humaine. Tel qu’il a été réformé, quelles images en donne-t-il ?
De la famille, la réforme de 2001 révélait que le ménage avait passé le lignage. Celle de 2006 prend acte, timidement, que le ménage peut être mariage ou concubinage adossé à un pacte civil de solidarité. En outre, elle marque, au sein du lignage, un déclin des solidarités familiales et un essor de l’individualisme : recul de la réserve héréditaire, ici supprimée, là fongibilisée ; inopposabilité à un enfant du comportement de ses parents, sa vocation héréditaire ne pouvant être affectée par ce qu’ils ont pu faire ou dire, indignes ou renonçants ; possibilité offerte de ne point être tenu du passif sur son patrimoine personnel tout en conservant les biens de famille, et donc de n’avoir l’esprit de famille que pour l’actif… Du patrimoine, la réforme confirme la tendance, lourde et déjà ancienne, à se préoccuper de la survie de l’entreprise, considérée non comme un élément du patrimoine de son propriétaire, mais comme un bien national pourvoyeur d’emplois. Elle atteste aussi que les patrimoines contemporains exigent souvent une gestion rapide, qui justifie que l’on brise le pouvoir d’obstruction de certains dans l’exercice de la propriété collective qui unit malgré eux les indivisaires.
De l’homme, du de cujus ou de l’héritier, la réforme donne l’image d’un être puissant, fort de sa propriété et sûr de sa volonté. Le de cujus, une fois mort, continue à gouverner et commande ainsi du tombeau : par des libéralités graduelles, il décide du sort de ses biens sur deux générations ; par un mandat posthume, il désigne le gestionnaire de ses avoirs ; par une libéralité-partage, il décide de la répartition de sa succession ; et même si ses facultés mentales étaient gravement altérées, ii n’est pas exclu qu’il ait exprimé des dernières volontés qui détournent sa succession du cours que la loi, dans sa sagesse, pourtant, lui assigne… L’héritier, quant à lui, traite sur ses droits dans une succession future, sans plus avoir besoin de la protection que lui accordait la prohibition des pactes sur une succession non ouverte.
Bonjour,
J’aurais aimé avoir des renseignements concernant les lois pour les factures lors d’une succession que reçoit le notaire. Je m’explique : Une entreprise de pompes funèbres adressent la facture des obsèques au notaire. Combien de temps à celui ci pour régler la facture? Faut il attendre que la succession soit réglée ou pas?
Car dans la région, UN seul notaire pose problème aux entreprises, en mettant des mois voir des années à régler les factures, pourtant il y a de l’argent sur les comptes bancaires du défunt!
Quels recours ont les entreprises de pompes funèbres pour se faire régler plus rapidement par ce notaire?
Merci,
salutations.
mon divorse est prononce. mon ex mari occupe notre maison a titre onereux.je souhaiterai la liquidation de nos bien et la vente de ma maison.mon ex ne fait pas le necessaire comment le contraindre a vendre?